22 janvier 2007

De l’insécurité juridique…

Ou la piètre condition juridictionnelle du candidat au CRFPA


J’avais abordé, dans une précédente note, les difficultés touchant au conflit de compétence, apparu à l’occasion des derniers recours exercés par quelques élèves téméraires d’instituts judiciaires, honteusement recalés à l’examen d’entrée d’un centre régional de formation professionnel d’avocats (en effet, comment espérer lutter contre des jurys composés de professeurs de droits, de magistrats et d’avocats ?)

Le Tribunal des conflits vient de se prononcer, et a retenu la compétence de la juridiction administrative (Tribunal des conflits, n°C3507, du 18 décembre 2006).

Pour resituer le débat, il convient de rappeler les éléments suivants :

- la juridiction administrative avait connu des recours exercés, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat s’avise, dans la lignée du tribunal administratif de Paris qui avait lancé le mouvement, de ce que l’examen d’entrée au CRFPA faisait partie de la formation professionnelle des avocats, et relevait de la seule compétence de la Cour d’appel (donc de l’ordre judiciaire) territorialement compétente, statuant d’ailleurs en audience solennelle (imaginez, cinq conseillers, rien que ça…)

- la loi du 11 février 2004 avait légèrement modifié la rédaction de l’article 12 du 31 décembre 1971, régissant la profession d’avocat, de telle sorte que le texte ne disait plus expressément que l’examen d’entrée était compris dans la formation professionnelle des avocats,

- la Cour administrative d’appel de Paris avait très justement estimé que la modification de l’article 12 était purement rédactionnelle, et n’avait pas privé l’examen d’entrée de son aspect « formation professionnelle des avocats » : l’ordre judiciaire demeurait compétent.


Ce n’est pas l’opinion suivie par le Tribunal des conflits, qui considère que la nouvelle rédaction de l’article 12 ne permet plus de considérer que l’examen d’entrée au CRFPA fait partie intégrante de la formation professionnelle des avocats.

Retenant en outre que l’examen d’entrée est organisé par les universités, établissements publics à caractère administratif, le Tribunal des conflits décide, machinalement serait-on tenté de dire, que les recours ressortissent de la seule compétence de l’ordre administratif.

On imagine la mine des étudiants qui ont été exercé leurs recours devant la Cour d’appel, au regard d’une jurisprudence complexe mais constante : ça leur apprendra à vouloir faire du droit, et à vouloir devenir avocats (s’attaquer à l’institution universitaire, cela présage mal de la moralité desdits candidats).

On imagine également les litres de champagne qui doivent couler à flots dans les instituts d’études judiciaires, à l’annonce de cette jurisprudence qui sonne le glas des recours exercés depuis les trois dernières années.

Mais on reste totalement médusé par la décision du tribunal des conflits.

En effet, rien ne justifie en droit cette décision, qui consacre, pour des motifs purement textuels, une réelle insécurité juridique : une compétence qui change tous les dix ans ne favorise pas un recours effectif devant une juridiction.

Le législateur de 2004 n’avait nullement l’intention de modifier la compétence dégagée par la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, au profit de l’ordre judiciaire. Bien au contraire, il ressort des travaux parlementaires que le législateur entendait maintenir le régime antérieur de la formation professionnelle, à l’exception des nouveautés qui y étaient intégrées.

D’’autre part, la décision du tribunal des conflits emporte désormais un régime différent, entre les recours exercés après un échec à l’examen d’entrée, et ceux exercés contre les décisions de sortie (obtention du CAPA en fin de scolarité), pourtant prononcé par des jurys de composition strictement identique.

Bref, tout cela apparaît décidément bien peu cohérent. Mais il y a longtemps que nous avons fait notre deuil de la cohérence du droit….

A quoi servent les avoués ?

A rien[1].



[1] Je promets de développer cette assertion, pour le moins catégorique, lorsque il me sera donné quelque temps de le faire. Je vous expliquerai alors que la suppression du monopole des avoués près de la Cour d’appel avait été envisagé dès 1971, au moment même où le législateur signait l’arrêt de mort des avoués de première instance…