21 novembre 2007

Réflexions sommaires sur la prescription

Ça y est, enfin, pourrait-on dire : l’ancien président de la République, Jacques CHIRAC, a été mis en examen le 21 novembre 2007 dans l’affaire des chargés de mission de la ville de Paris, instruite par la juge d’instruction Siméoni.

On ne peut que se réjouir de cette victoire de nos institutions démocratiques : parvenir à la mise en examen d’un ancien chef de l’Etat, qui avait tout mis en œuvre pendant son mandat, y compris une modification de notre loi constitutionnelle, pour repousser aux calendes grecques son inculpation, relève en effet de l’exploit.

Certaines voix s’élèvent, y compris dans l’opposition, pour regretter la tardiveté de cette mise en examen. Or, il n’est jamais trop tard pour juger.

Il est toutefois absolument sidérant d’entendre un ancien président du conseil constitutionnel, en l’espèce, Monsieur Pierre MAZEAUD, déclarer qu’il faille tirer un « trait sur tout cela », en expliquant que les français ont « d'autres soucis que de revenir 20 ans, 30 ans en arrière et pourquoi pas 50 ans, en ce qui concerne l'imprescriptibilité ».

En fait, à bien les entendre, ces braves gens autorisés qui expriment aujourd’hui leur compassion à l’égard de cet homme abattu, fatigué, qui a exercé les plus hautes fonctions de l’Etat pour aujourd’hui affronter l’effroyable mahcine judiciaire, on ne tiendrait pas suffisamment compte dans notre système pénal (qui la Garde des sceaux n’est pas pressée de réformer, malgré les conclusions de la commission parlementaire sur l’affaire dite d’Outreau), de la qualité de la personne poursuivie en matière de prescription.

Il faudrait en effet prévoir des prescriptions beaucoup plus courtes pour les personnes ayant occupé des postes importants dans la fonction publique, ou assurer des mandats sociaux dans de grandes entreprises. Madame Dati s’occupera de dépénaliser le droit des affaires, et il faut espérer que la Chancellerie pensera à réduire considérablement les délais de prescription dans cette matière, notamment les abus de biens sociaux ou mieux encore, à supprimer les causes de suspension.

Pour le chef de l’Etat, il serait en effet d’une logique tout à fait antidémocratique que ce dernier puisse bénéficier également d’une suppression des causes de suspension. Ce serait effectivement une suite logique de son impunité pénale pendant l’exécution de son mandat.

Il y aurait ainsi une prime au président qui parviendrait à cumuler deux mandats de cinq ans, ce qui lui permettrait de s’exonérer de toute responsabilité correctionnelle, mais encore criminelle.

27 septembre 2007

Après la cravate de notaire, celle du magistrat

Dans son dernier post, Monsieur l’Avocat général Philippe BILGER nous fait part de son attachement au respect des usages (de mauvaises langues pourraient dire aux conventions bourgeoises), et notamment à celui de la décence de la tenue vestimentaire des magistrats.

Evoquant un incident intervenu lors de la présentation d’un jeune magistrat au Premier président de la Cour d’appel de PARIS, la tenue « débraillée » de ce dernier n’ayant pas parue convenable au second, Philippe BILGER estime qu’une telle attitude comportementale nuirait à l’image de la justice, qui ne saurait se départir sans dommage d’un certain decorum, d’une certaine solennité.

Cette opinion est surprenante : à une époque où il nous est donné de voir régulièrement le Président de la République en tenue de jogging, arpenter Central Park, ou monter les marches du perron de l’Elysée, critiquer la tenue vestimentaire d’un jeune magistrat semble tout à fait irréelle.

D’autant plus que le justiciable est très certainement indifférent aux respects de ces codes vestimentaires un peu désuets.

Car la seule chose qui le préoccupe vraiment, ce sont bien les qualités humaines et professionnelles du magistrat auquel son affaire a été confiée : il est sans doute préférable d’avoir à faire à un juge d’instruction en jean et polo, qui prenne le temps d’étudier ses dossiers, et de balancer les intérêts des différentes parties, plutôt que d’être confronté à un magistrat bien raide, bien cravaté, qui survole ses procédures, et pense davantage à son plan de carrière qu’à l’intérêt des justiciables dont il a la charge.

13 avril 2007

Quel statut pour Jacques Chirac après le 17 juin 2007 ?

Il semblerait que le Château soit actuellement très inquiet sur le devenir judiciaire de son actuel locataire (cette angoisse existentielle du Chef de l’Etat doit expliquer « l’émotion du départ », évoquée en première page de Paris Match).

Cette inquiétude serait également la cause (au sens juridique du terme) du pacte chiraco-sarkozyste dont le Canard Enchaîné a récemment fait état : mais nous savons depuis que les informations du journal satirique relèvent du grotesque et du mensonge.

Pour inviter le Chef de l’Etat a relativisé son angoisse post-départ, je me permettrai de lui rappeler cette phrase admirable de Pascal : « le repos entier est la mort », et de l’inviter à méditer sur le sens de la vie, dans l’attente des convocations judiciaires qui ne manqueront pas de pleuvoir après le 17 juin 2007.

Pourquoi cette date ? Parce qu’il ressort du nouveau statut pénal du Chef de l’Etat, instauré par la récente loi constitutionnelle, que l’immunité consacrée dont profite le Président de la République pendant le cours de son mandat prend fin, non pas au moment même de la prise de fonction du nouveau président, mais un mois après la fin des fonctions du précédent (histoire de se donner un peu de temps, et chercher une nouvelle activité, assortie de préférence d’une immunité qui permettra de ralentir le cours d’une justice déjà lente par elle-même).

Sans être devin, et sans se référer aux prédications de Nostradamus, il est hautement probable que l’actuel Président soit amené à comparaître devant quelques juges d’instruction, chargés de l’instruction des affaires financières du défunt RPR, pour apporter quelques éclaircissements sur le fonctionnement de la Mairie de Paris.

L’une des questions intéressantes que soulèvent ces convocations prévisibles est de savoir en quelle qualité le Chef de l’Etat sera convoqué devant l’autorité judiciaire.

Sera-ce en qualité de simple témoin, de témoin assisté, ou bien sera-il convoqué en vue d’une éventuelle mise en examen ?

Il suffit de se reporter à l’instruction du pourvoi de Monsieur BREISACHER devant la Chambre criminelle pour savoir que l’actuel Président de la République comparaîtra nécessairement assisté d’un avocat, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 octobre 2001 (c’est le fameux arrêt qui a consacré l’immunité présidentielle en cours de mandat, avant que le Parlement ne vienne définir plus précisément la nature de cette immunité).

Faisons simple.

Devant l’inaction de la Mairie de Paris, gouvernée à l’époque par Monsieur Tibéri, fidèle chiraquien, Monsieur BREISACHER, citoyen parisien et militant, avait demandé au Tribunal administratif l’autorisation de se constituer partie civile, en lieu et place de la ville, dans l’affaire de la SEMPAP (la société d’économie mixte ayant remplacé l’ancienne Imprimerie Municipale, trop « rouge » au goût de Monsieur Chirac).

Monsieur BREISACHER, par l’intermédiaire de son avocat, avait sollicité du juge d’instruction chargé de ce dossier qu’il entende le Président de la République, afin notamment de procéder à son interrogatoire.

Le juge d’instruction avait décliné l’invitation, en se déclarant incompétent, au visa notamment de la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel sur la Cour pénale internationale (le fameux considérant n°16).

Monsieur BREISACHER ayant fait appel de cette décision d’incompétence, la Chambre de l’instruction de PARIS eut donc à connaître de cette demande, et notamment de la question de l’incompétence de l’ordre judiciaire pour entendre un Président de la République en exercice.

Devant la Chambre de l’instruction, la partie civile avait modifié son axe d’attaque, en reconnaissant qu’il n’était pas possible d’entendre le Chef de l’Etat en qualité de témoin, en raison des indices permettant de penser que l’ancien maire avait participé à la commission des délits, et en demandant à la Chambre de l’instruction de mettre en examen le Chef de l’Etat pour « complicité par abstention de l’ensemble des délits dénoncés ».

La Chambre de l’instruction devait confirmer, par arrêt en date du 29 juin 2001, l’ordonnance attaquée par laquelle le juge s’était déclaré incompétent pour procéder à l’audition du Président de la République en qualité de témoin, et rejeter la demande de mise en examen présentée devant la Cour.

Ce qui est intéressant, pour déterminer le futur statut du Chef de l’Etat, ce sont les conclusions tirées par l’Avocat général de GOUTTES devant la Chambre criminel des motifs de l’arrêt de la Chambre de l’instruction.

En effet, défendre le refus de la demande d’audition du Président de la République, l’Avocat général a souligné que la Chambre de l’instruction de PARIS avait procédé par un raisonnement en trois temps :

1) en premier lieu, la Chambre de l’instruction avait rappelé la notion de témoin selon les règles de la procédure pénale, à savoir une personne à l’encontre de laquelle il n’existe aucun indice indiquant qu’elle ait pu participer aux infractions objet de l’information,

2) en deuxième lieu, la Chambre de l’instruction avait constaté que la demande d’audition formulée par Monsieur BREISACHER ne correspondait pas à celle d’un témoin : il s’agissait en fait non pas de recueillir le témoignage du Chef de l’Etat, mais bien de procéder à un interrogatoire portant sur son éventuelle participation aux fait qui s’étaient déroulés entre 1989 et 1995 à la SEMPAP, alors que Monsieur Chirac était maire de Paris. Cette analyse était corroborée par le fait que la partie civile avait sollicité devant la Chambre de l’instruction la mise en examen du Président de la République

3) en troisième lieu, l’arrêt avait logiquement déduit de ces constatations que, s’agissant d’une véritable mise en cause de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat, elle entrait dans le champ du considérant n°16 de la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999.

Qu’est-ce qu’il ressort de tout cela ? Eh bien, tout simplement que la Chambre de l’instruction a déjà jugé, à l’occasion de l’examen de l’incompétence de l’ordre judiciaire pour examiner la mise en cause de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat, que les indices de participation de l’ancien maire de Paris aux faits poursuivis étaient suffisamment sérieux pour estimer qu’il n’était pas possible d’entendre le Président de la République en qualité de simple témoin.

Si Monsieur Jacques Chirac devait être convoqué dans cette affaire, il ne pourrait donc l’être qu’en qualité soit de témoin assisté, soit en vue de sa mise en examen.

Tout cela est passionnant, et l’on rendra hommage, dans les temps futurs, à Monsieur Jacques Chirac d’avoir tant contribué à l’élaboration progressive du statut pénal du Président de la République.

12 avril 2007

Ensemble tout devient possible

La première fois que j’ai pris connaissance de ce slogan politique, je me suis dit intérieurement, dans le silence de mon cabinet, que tous ces mots mis côte à côte n’avaient absolument aucun sens, et je demeurais admiratif devant le travail des spécialistes en communication.

Mais il faut se méfier des jugements hâtifs.

Après les révélations « grotesques, insultantes et mensongères » du Canard Enchaîné, dans son édition du 11 avril dernier, sur le pacte chiraco-sarkozyste, j’ai été saisi d’une illumination, et le slogan m’est apparu dans toute la splendeur de son évidence.

Ensemble ne désigne pas la population française (du moins la partie de celle-ci qui dispose du droit de vote), mais bien évidemment le Chef de l’Etat sortant, et le candidat à sa succession.

Et le postulat posé par le slogan « tout devient possible » revêt alors une étonnante clarté.

En obtenant le soutien du Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY peut espérer accéder aux fonctions auxquelles il aspire depuis qu’il est en âge de se raser. La proposition « Sarkozy est président », toute effrayant qu’elle soit, devient possible.

En accordant son soutien au candidat de Neuilly sur Seine, le Président de la République en fait son débiteur, et peut espérer du futur chef de l’Etat tout son soutien pour échapper aux trois affaires le concernant, encore en cours.

Tout devient alors possible, même l’inimaginable.

10 avril 2007

Que la nature humaine est décidément insondable…

Les récentes déclarations de Monsieur Nicolas SARKOZY sur la pédophilie permettent assurément à la campagne présidentielle de faire un saut qualitatif, pour conduire les citoyens d’accéder enfin à des sphères plus éthérées, en les invitant à quitter quelques instants leurs préoccupations bassement terre à terre (le pouvoir d’achat, l’emploi, l’insécurité, et tant d’autres choses….)

Présupposant l’existence d’un terrain favorable aux développements des déviances sexuelles, Monsieur SARKOZY pose très honnêtement la question de l’inné et de l’acquis.

Existe-t-il une nature pédophile, ou bien cette tendance abominable est-elle la résultant de plusieurs déterminismes, familiaux, sociaux, médico-psychologique, voire psychiatrique ?

On comprend bien que le candidat à l’élection présidentielle postule, plus ou moins explicitement, pour l’existence d’une nature, d’un sentiment inné, qu’il faudrait alors détecter pour éradiquer définitivement de la société les individus qui en seraient porteurs.

C’est un débat très classique que d’interroger la notion de nature humaine.

Existe-t-il des êtres naturellement bons, et des êtres naturellement mauvais ? La question est toujours posée, les réponses évidemment divergent selon les courants philosophiques. Et l’on perçoit bien qu’elle pose également celle de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais.

Rousseau avait posé le postulat que l’homme naissait bon, et que la société le corrompait : il y avait donc un substrat originel de très bonne qualité, doté de toutes les qualités, que la vie en société allait lentement altéré, dénaturé, pour conduire l’homme à nuire à ses semblables.

La solution roussauiste consistait individuellement à vivre à l’écart de la société corruptrice (Voltaire y verra la manifestation de la méchanceté du citoyen genevois), et collectivement dans l’institution d’un nouveau contrat social, censé permettre l’épanouissement d’une nouvelle collectivité.

Le contrat social n’ayant pas tenu toutes ses promesses, il nous faut donc vivre en société, à la merci des méchantes gens, et au risque de corrompre toute la bonté que la Divine Providence a pu déposer en nous.

Si l’on peut se contempler soi-même avec satisfaction (comme semble le faire Monsieur SARKOZY qui déclare n’avoir jamais été tenté par le viol d’un enfant de trois ans), il faut absolument faire l’impasse sur toutes les théories psychologiques du XXème siècle, qui pourrait nuire à cette admiration narcissique.

La psychanalyse en effet a porté un coup brutal à la notion de nature humaine, en procédant à son éclatement radical en trois instances redoutables, le ça, le moi et le surmoi.

Pour faire simple, on rappellera ici, de manière très schématique, que le moi peut être considéré comme la conscience, tournée vers le monde extérieur, que le surmoi constitue l’ensemble des normes imposées par la société (à haute teneur morale), et que le sombre ça constitue l’élément le plus riche de la psyché, que le vulgaire appellerait volontiers l’inconscient.

Ce retour aux sources de la psychanalyse nous permet de voir que Monsieur SARKOZY raisonne comme un bon bourgeois du XVIIème siècle, intimement persuadé se connaître lui-même par la contemplation de sa raison raisonnante.

Monsieur SARKOZY semble donc avoir renoncé à son ça, bien que ce dernier semble s’exprimer parfois par des mouvements compulsifs (le petit mouvement d’épaule qui caractérise notre ancien ministre de l’intérieur).

Mais il est une certitude, c’est que Monsieur SARKOZY n’hésite pas à prendre son moi comme critère de normalité : en effet, se contemplant, intus et in cute, il n’hésite pas à affirmer que le désir sexuel qui pourrait éprouver un adulte pour un enfant est anormal (il faut le remercier pour cette découverte…), notamment parce que lui-même n’a jamais éprouvé une telle pulsion.

Mais il nous sera permis de nous interroger sur la normalité de Monsieur SARKOZY : que chacun se recueille en lui-même, et qu’il dise, avec honnêteté, s’il est normal qu’un homme puisse désirer, avec autant de passion, avec autant d’acharnement, devenir président de la République.

Nul ne constatera qu’il s’agit d’une passion singulière, partagée par un nombre extrêmement réduit d’individus, et l’on peut se demander si une telle ambition relève de l’inné ou de l’acquis ?

Existe-t-il des êtres d’exception, élus par la Providence divine, destinés à conduire les affaires humaines, ou bien nos hommes politiques ne sont-ils que le produit de déterminismes vulgaires ?

La question reste ouverte.


5 avril 2007

Que tout homme a son prix.

Pour rebondir sur la condamnation de l’animateur Jean-Luc DELARUE, proposée dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et homologuée par le Tribunal de grande instance de BOBIGNY, il faut lire l’excellent article de Dominique SIMONNOT dans l’édition du Canard Enchaîné du 4 avril dernier.

La chroniqueuse judiciaire y indique que les avocats, chargés de la défense de petits justiciables sans importance, tentent désormais de se prévaloir de la jurisprudence DELARUE, en proposant des stages de citoyenneté pour les clients, également poursuivis pour des faits d’atteinte à l’intégrité à la personne, et au casier judiciaire pas trop chargé.

On se souviendra qu’après la mise en liberté de Maurice PAPON par le Président CASTAGNEDE, il y avait eu également un mouvement similaire, certains confrères ayant essayé, en vain, de se prévaloir de la jurisprudence PAPON pour obtenir la libération de leurs clients.

Ces tentatives admirables sont malheureusement vouées à l’échec, en raison du principe même de l’individualisation de la peine, qui interdit de se montrer trop sévère à l’égard d’un ancien ministre ou d’une personnalité hautement médiatique. Quand le qualitatif influe sur le quantitatif….

L’autre leçon de l’affaire DELARUE, c’est que tout se monnaye.

L’article du Canard Enchaîné laisse entendre en effet que la clémence du tribunal à l’égard de l’animateur viendrait du dédommagement versé par ce dernier aux deux stewards et à l’hôtesse malmenés, qui avoisinerait selon la journaliste la modeste somme de 115 000 €.

Il n’est pas de douleur, il n’est pas de dignité que l’on ne puisse acheter.

22 janvier 2007

De l’insécurité juridique…

Ou la piètre condition juridictionnelle du candidat au CRFPA


J’avais abordé, dans une précédente note, les difficultés touchant au conflit de compétence, apparu à l’occasion des derniers recours exercés par quelques élèves téméraires d’instituts judiciaires, honteusement recalés à l’examen d’entrée d’un centre régional de formation professionnel d’avocats (en effet, comment espérer lutter contre des jurys composés de professeurs de droits, de magistrats et d’avocats ?)

Le Tribunal des conflits vient de se prononcer, et a retenu la compétence de la juridiction administrative (Tribunal des conflits, n°C3507, du 18 décembre 2006).

Pour resituer le débat, il convient de rappeler les éléments suivants :

- la juridiction administrative avait connu des recours exercés, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat s’avise, dans la lignée du tribunal administratif de Paris qui avait lancé le mouvement, de ce que l’examen d’entrée au CRFPA faisait partie de la formation professionnelle des avocats, et relevait de la seule compétence de la Cour d’appel (donc de l’ordre judiciaire) territorialement compétente, statuant d’ailleurs en audience solennelle (imaginez, cinq conseillers, rien que ça…)

- la loi du 11 février 2004 avait légèrement modifié la rédaction de l’article 12 du 31 décembre 1971, régissant la profession d’avocat, de telle sorte que le texte ne disait plus expressément que l’examen d’entrée était compris dans la formation professionnelle des avocats,

- la Cour administrative d’appel de Paris avait très justement estimé que la modification de l’article 12 était purement rédactionnelle, et n’avait pas privé l’examen d’entrée de son aspect « formation professionnelle des avocats » : l’ordre judiciaire demeurait compétent.


Ce n’est pas l’opinion suivie par le Tribunal des conflits, qui considère que la nouvelle rédaction de l’article 12 ne permet plus de considérer que l’examen d’entrée au CRFPA fait partie intégrante de la formation professionnelle des avocats.

Retenant en outre que l’examen d’entrée est organisé par les universités, établissements publics à caractère administratif, le Tribunal des conflits décide, machinalement serait-on tenté de dire, que les recours ressortissent de la seule compétence de l’ordre administratif.

On imagine la mine des étudiants qui ont été exercé leurs recours devant la Cour d’appel, au regard d’une jurisprudence complexe mais constante : ça leur apprendra à vouloir faire du droit, et à vouloir devenir avocats (s’attaquer à l’institution universitaire, cela présage mal de la moralité desdits candidats).

On imagine également les litres de champagne qui doivent couler à flots dans les instituts d’études judiciaires, à l’annonce de cette jurisprudence qui sonne le glas des recours exercés depuis les trois dernières années.

Mais on reste totalement médusé par la décision du tribunal des conflits.

En effet, rien ne justifie en droit cette décision, qui consacre, pour des motifs purement textuels, une réelle insécurité juridique : une compétence qui change tous les dix ans ne favorise pas un recours effectif devant une juridiction.

Le législateur de 2004 n’avait nullement l’intention de modifier la compétence dégagée par la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, au profit de l’ordre judiciaire. Bien au contraire, il ressort des travaux parlementaires que le législateur entendait maintenir le régime antérieur de la formation professionnelle, à l’exception des nouveautés qui y étaient intégrées.

D’’autre part, la décision du tribunal des conflits emporte désormais un régime différent, entre les recours exercés après un échec à l’examen d’entrée, et ceux exercés contre les décisions de sortie (obtention du CAPA en fin de scolarité), pourtant prononcé par des jurys de composition strictement identique.

Bref, tout cela apparaît décidément bien peu cohérent. Mais il y a longtemps que nous avons fait notre deuil de la cohérence du droit….

A quoi servent les avoués ?

A rien[1].



[1] Je promets de développer cette assertion, pour le moins catégorique, lorsque il me sera donné quelque temps de le faire. Je vous expliquerai alors que la suppression du monopole des avoués près de la Cour d’appel avait été envisagé dès 1971, au moment même où le législateur signait l’arrêt de mort des avoués de première instance…