25 juillet 2006

Restons du côté de Saint-Sulpice…

Encore un exemple de ce jésuitisme opportuniste qui permet à la vraie « générosité » de s’exprimer…

Depuis la publication de la circulaire du 13 juin, tous les juristes qui sont amenés à l’étudier se posent la question de savoir si les 6 critères qui y sont définis sont cumulatifs.

Faut-il remplir les six conditions posées pour espérer la régularisation de sa situation, ou certains d’entre eux seulement suffisent-ils à faire naître l’espoir d’une vie meilleure ?

La circulaire ne pose pas le principe du cumul :

« Ce réexamen pourra vous conduire à admettre au séjour certaines familles, de manière exceptionnelle et humanitaire, dans l’intérêt des enfants, afin de leur permettre de sortir d’une situation de précarité et de pouvoir bénéficier des conditions d’une intégration satisfaisante en France.

Dans le cadre de votre pouvoir d’appréciation, vous pourrez utilement prendre en compte les critères suivants :

• Résidence habituelle en France depuis deux au moins deux ans à la date de la publication de la présente circulaire d’au moins l’un des parents


• Scolarisation effective d’un de leurs enfants au moins en France, y compris en classe maternelle, au moins depuis septembre 2005


• Naissance en France d’un enfant ou résidence habituelle en France d’un enfant depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans


• Absence de lien de cet enfant avec le pays dont il a la nationalité


• Contribution effective du ou des parents à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis sa naissance


• Réelle volonté d’intégration de ces familles, caractérisée notamment par, outre la scolarisation des enfants, leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l’absence de trouble à l’ordre public »


Rien dans le texte ne permet de considérer que l’étranger doit réunir cumulativement les six critères pour demander un dossier de régularisation, pas plus d’ailleurs que les déclarations du Ministre d’Etat au Figaro dans son édition du 24 juillet 2006.

A la question du journaliste qui demandait expressément si le candidat à la régularisation devait remplir les six critères pour être régularisé, Monsieur Sarkozy a répondu :

« C’est une appréciation au cas par cas. Evidemment, un seul critère ne suffit pas. Par un exemple, un enfant scolarisé en France depuis 2005 mais dont un des parents vit à l’étranger avec tous ses frères et sœurs ne remplit pas les conditions nécessaires ».

Saur erreur de lecture de ma part, le ministre ne pose pas le principe du cumul des six critères, alors que la question lui est clairement posée.

Tout autre sera sa position à l’occasion de la conférence de presse sur l’immigration, tenue le même jour à l’Hôtel BEAUVAU :

« Mes consignes aux préfets sont claires : je demande un examen au cas par cas des situations individuelles des familles d’étrangers « sans papiers » ayant des enfants scolarisés, à titre humanitaire [ce qui fait plus sérieux que « par humanité »].

Concrètement, les préfets, dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation, examinent chacun des dossiers déposés,
en tenant compte des 6 critères cumulatifs que j’ai définis [suit la liste des six critères énoncés par la circulaire] »

Edifiant !

Du côté de Saint-Sulpice...

La récente décision du Conseil constitutionnel, rejetant le recours déposé par l’opposition contre la nouvelle loi sur l’immigration de Monsieur Nicolas Sarkozy, a été pour de Monsieur Philippe BILGER, Avocat général près la Cour d’assises de PARIS, l’occasion de nous gratifier d’un de ces nouveaux bulletins, comme nous les aimons tant.

Dans son papier virtuel, le représentant de l’ordre et de la société devant la juridiction criminelle se réjouit de la décision des juges constitutionnels, qui refonde selon lui les principes républicains en matière d’immigration, et tempère les expressions outrancières du gauchisme ambiant.

Sur un plan strictement formel, les lecteurs qui s’aventureront sur le blog de l’Accusation relèveront la présence d’un substantif étrange, raffiné et trahissant une immense culture religieuse chez son auteur.

« Sulpicianisme ».

Ce terme évoque immédiatement cette superbe église inachevée, que nous devons à l’architecte Servandoni, qui s’érige sur une des plus belles places de Paris, et qui n’en finit pas d’être restaurée.

Pour les amateurs de littérature (il y en a parmi les juristes, à ce qu’on me dit…), Saint-Sulpice appelle également les souvenirs d’une adolescence, plongée dans les romans de Huysmans à la langue si raffinée, et si difficile d’accès pour des étrangers, qu’ils soient pourvue ou démunis de papiers.

J’ai toujours été fasciné par le personnage du sonneur de cloches, qui se baladait dans des labyrinthes de pierre surélévés, tels des jardins de Babylone (encore une civilisation étrangère),

« Il était au milieu d'une tour qu'emplissaient, du haut en bas, des madriers énormes en forme d'x, des poutres assemblées, frettées par des barres, boulonnées par des rivets, réunies par des vis grosses comme le poing. Durtal ne voyait personne. Il tourna sur la console, le long du mur, se dirigea vers la lumière qui pénétrait par les auvents inclinés des abat-sons.

Penché sur le précipice, il discernait maintenant, sous ses jambes, de formidables cloches pendues à des sommiers de chêne blindés de fer, des cloches au vase de métal sombre, des cloches d'un airain gras, comme huilé, qui absorbait, sans les réfracter, les rayons du jour.

Et, au-dessus de sa tête, dans l'abîme d'en haut, en se reculant, il apercevait de nouvelles batteries de cloches; celles-là, frappées dans leur fonte d'une effigie d'évêque en relief, allumées, au dedans, à la pause, à l'endroit usé par le battant, d'une lueur d'or.

Rien ne remuait; mais le vent claquait par les lames couchées des abat-sons, tourbillonnait dans la cage des bois, hurlait dans la spirale de l'escalier, s'engouffrait dans la cuve retournée des cloches. Soudain, un frôlement d'air, un souffle silencieux de vent moins aigre lui fouetta les joues. Il leva les yeux, une cloche rabattait la bise, entrait en branle. Et tout à coup, elle sonna, prit son élan, et son battant, semblable à un gigantesque pilon, broya dans le bronze du mortier des sons terribles. La tour tremblait, la margelle sur laquelle il se tenait trépidait comme le plancher d'un train; un grondement, continuel, énorme, roulait brisé par le fracassant éclat des coups.

Il avait beau explorer le plafond de la tour, il ne découvrait personne; il finit pourtant par entrevoir une jambe lancée dans le vide qui culbutait l'une des deux pédales de bois attachées au bas de chaque cloche, et, se couchant presque sur les madriers, il aperçut enfin le sonneur, retenu par les mains à deux crampons de fer, se balançant au-dessus du gouffre, les yeux au ciel. »

Il y a quelque chose de fascinant dans cette fonction, sonner les cloches : exercer son ministère au-dessus de tous, loin de la mêlée et du babillage humains, instaurer une distance presque mystique, entre sa propre conscience et le brouhaha constant de la société.

A défaut de tutoyer les anges (la grâce a toujours été distribuée avec parcimonie….), l’on peut toujours faire sonner les cloches, et créer une harmonie toute métallique qui doit présenter, j’en suis convaincu, beaucoup de similitudes avec la musique des sphères.

Nous nous éloignons : pour Monsieur Bilger, « sulpicianisme » est à mettre au même niveau que « angélisme », et « générosité niaise » dont il gratifie les imbéciles qui n’ont pas encore souscrit à l’idéologie de Monsieur Sarkozy : une forme de dévotion un peu bê-bête, réservée à des couches sociales qui n’ont pas eu la chance de faire une Khâgne, formation qui les aurait certainement dirigés vers une spiritualité plus raffinée, moins primaire.


Dans son article, qui égratigne au passage Me Arno Klarsfeld, dont personne ne contestera les qualités de patineur, Monsieur Bilger relève dans la décision constitutionnelle sus-évoquée l’affirmation d’un grand principe à partir duquel « une politique à la fois généreuse et efficace peut être élaborée ».


On aura en effet compris qu’il existe, selon l’approche bilgérienne, une générosité efficace,à la fois ferme et digne, et l’autre, angélique, sulpicienne, un peu cu-cul la praline : la première s’est incarnée en la personne de Nicolas Sarkozy, la seconde sous-tend l’action de ces mouvements prétendument citoyens qui appellent à la désobéissance civile.

Le principe dégagé par le Conseil constitutionnel, qui servira de guide aux générations futures pour mener à bien une politique d’immigration digne de ce nom, est le suivant :

« les étrangers ne sauraient invoquer des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ».

Il faut remercier les juges constitutionnels d’avoir si bien travaillé : voilà un dogme républicain qui appelle le respect, tant il est précis et concret.

Il ne fait aucun doute que ce principe sera appelé à modifier substantiellement la jurisprudence de nos juridictions administratives. J’entends déjà les commissaires du gouvernement, lisant leurs conclusions aux audiences des Tribunaux administratifs, saisis des recours insensés exercés contre les décisions préfectorales de rejet de carte de séjour, nous expliquer :

« Considérant que Monsieur X invoque au soutien de son recours les dispositions de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, ainsi que celles de l’article 3-1 de la Convention dite de New-York sur les droits de l’enfant ; que les droits reconnus par ces conventions internationales présentent un caractère absolu et général, dont les étrangers ne sont pas recevables à se prévaloir pour solliciter la délivrance d’un titre de séjour ;

Considérant qu’il convient de rejeter la requête de Monsieur X ».

Le billet de Monsieur Bilger se termine par une indignation : honte à ces associations qui sous couvert d’humanisme se contentent de violer la loi, « sous le regard d’un pouvoir bienveillant ».

Ce sont là des propos forts et réfléchis : la honte doit en effet s’abattre sur ces associations militantes, qui se mobilisent pour alerter l’opinion publique sur les expulsions de jeunes enfants étrangers scolarisés, et qui appellent ouvertement, dans certains cas, à la désobéissance civile.

Ne pas en être convaincu serait faire preuve d’angélisme saint-sulpicien.

Mais oublier que la Préfecture de police souvent n’applique pas la loi, en refusant de délivrer des titres de séjours à des étrangers qui répondent aux critères légaux, ce n’est pas de l’angélisme.

Oublier que l’autorité préfectorale s’assied parfois, allègrement, en toute impunité, sur les décisions définitives prononcées par les juridictions administratives, qui emportent délivrance de titre de séjours, en refusant de les exécuter, ce n’est plus de l’angélisme mais du jésuitisme absolu.

21 juillet 2006

Conflit de compétence – Recours exercé contre les décisions d’ajournement à l’examen d’accès aux centres de formation des avocats

  • Un étudiant, ajourné à l’examen d’accès à l’Ecole de formation du barreau de PARIS, vient de porter à ma connaissance les difficultés qu’il a rencontrées, à l’occasion du recours exercé à l’encontre de la décision prononçant son ajournement.

    Selon une ancienne jurisprudence, l’ordre administratif avait décliné sa compétence pour connaître de tels recours, au profit de l’ordre judiciaire, estimant à juste titre que l’examen d’accès aux centres de formation des avocats relevaient de la compétence exclusive de la cour d’appel territorialement compétente.

    La loi du 11 février 2004 a modifié certaines dispositions, relatives à la formation professionnelle des avocats, de la loi du 31 décembre 1971, qui régit la profession d’avocat.

    C’est en tirant prétexte de cette réforme que certains Instituts d’Etudes judiciaires ont opposé aux malheureux candidats ajournés, ayant eu l’outrecuidance d’exercer un recours, la prétendue incompétence des juridictions judiciaires au profit des juges administratifs, « juge naturel des examens universitaires » selon l’expression d’un professeur d’université.

    Cette exception d’incompétence, purement dilatoire, ne résiste malheureusement pas l’examen des textes et de la jurisprudence tant administrative que judiciaire en la matière.

    Contrairement à ce que soutiennent les universités, les modifications apportées à la Loi du 31 décembre 1971 par la réforme du 11 février 2004 n’ont pas eu pour conséquence de soustraire à la compétence de l’ordre judiciaire la connaissance des recours exercés contre les décision prononcées par les jurys des examens d’accès aux CRFPA.

    En effet, le législateur n’a pas souhaité, à l’occasion de la loi du 11 février 2004, portant réforme des certaines professions juridiques et judiciaires, modifier l’état du droit positif qui attribue à la cour d’appel la connaissance desdits recours.

    D’autre part, la nature et la finalité de l’examen d’accès commandent également cette compétence de l’ordre judiciaire.

    Les conditions d’accès à la profession d’avocat ont été organisées par la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par les lois n°90-1258 et 90-1259 du 31 décembre 1990, ainsi que le décret d’application n°91-1197 du 27 novembre 1991.

    Outre les conditions de diplômes et de moralité, l’accès à la profession d’avocat est soumis à l’obtention du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA), destiné à sanctionner une formation professionnelle de nature pratique dispensée, initialement, durant une année par un centre régional de formation professionnelle (le centre parisien ayant pris le nom d’Ecole de Formation du Barreau).

    Le candidat se présente, à l’issue de la maîtrise ou la même année, à l’examen d’entrée à un centre régional de formation professionnelle, cet examen ayant essentiellement pour but de vérifier si le candidat présente un minimum d’aptitude à l’exercice la profession d’avocat.

    L’article 12 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la Loi du 31 décembre 1990, intégrait l’examen d’accès au CRFPA à la formation professionnelle des avocats :

    « La formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat comprend, sous réserve du dernier alinéa de l’article 11, des dispositions réglementaires prise pour l’application de la directive CEE n°89- du 21 décembre 1998 précitée et de celles concernant les personnes justifiant de certains titres ou ayant exercé certaines activités :

    1° un examen d’accès à un centre régional de formation […] »

    A l’occasion de la réforme entreprise en 2004, tendant à modifier le contenu de la formation professionnelle, le législateur a modifié la rédaction de l’article 12 (article 15 de la loi n°2004-130 du 11 février 2004) :

    « Sous réserve de l’alinéa du dernier alinéa de l’article 11, des dispositions réglementaires prises pour l’application de la directive 89/48/CEE du Conseil de Communautés européennes du 21 décembre 1988 précitée et de celles concernant les personnes justifiant de certains titres ou ayant exercé certaines activités, la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat est subordonnée à la réussite à un examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle et comprend une formation théorique et pratique d’une durée d’au moins dix-huit mois, sanctionnée par le certificat d’aptitude à la profession d’avocat. »


    Il apparaît que la modification de l’article 12 est purement rédactionnelle, sa finalité étant de tirer les conséquences de la suppression du stage de deux ans autrefois imposé à l’avocat après sa prestation de serment, et de l’allongement à dix-huit mois de la formation pratique dispensée par les centres régionaux de formation professionnelle.


    L’article 14 de la loi du 31 décembre 1971 attribue une compétence exclusive aux cours d’appel de l’ordre judiciaire pour connaître des recours exercés contre toute décision concernant la formation professionnelle des avocats :

    « Les recours à l’encontre des décisions concernant la formation professionnelle sont soumis à la cour d’appel compétente. »

    Cet article n’a pas été modifié par la loi du 11 février 2004.

    Les juridictions administratives et judiciaires, qui ont eu à connaître des recours exercés à l’occasion des examens d’accès aux CRFPA, ont confirmé la compétence exclusive de l’ordre judiciaire, au visa de l’article 12 dans son ancienne rédaction.

    En effet, le Conseil d’Etat, par un arrêt du 22 mars 2000 (CE, n°205901, Mlle KERTUDO/Université PARIS II) a jugé que :

    « Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 12 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 modifiée : « la formation professionnelle exigée pour l’accès à la profession d’avocat comprend (…) : 1° Un examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle (…) » ;

    Considérant, d’autre part, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 14 de la même loi : « les recours à l’encontre des décision concernant la formation professionnelle sont soumis à la cour d’appel compétente »,

    Considérant que les décisions des jurys d’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats sont des décisions concernant la formation professionnelle des avocats et que les recours contre ces décisions doivent, en vertu de l’article 14 précité, être soumis à la cour d’appel compétente ; qu’il suit de là que c’est à tort que, par le jugement attaqué, la cour administrative d’appel de PARIS s’est estimée compétente pour connaître de la requête de Mlle KERTUDO ; que ce jugement doit être annulé ».

    Cette jurisprudence a été constamment appliquée par les juridictions administratives, sur le fondement de l’ancienne rédaction de l’article 12 de la Loi du 31 décembre 1971 (TA PARIS, 31 janvier 2001, Gaz. Pal. 22 mai 2001 ; CAA MARSEILLE, 14 janvier 2006, n°04MA02174 ; CAA BORDEAUX, 15 février 2006, n°01BX02297).


    La Cour de cassation s’est également prononcée en faveur de cette solution, par un arrêt du 14 juin 2005 (Civ. 1ère, 14 juin 2005, pourvoi n°03-16.149) :


    « Attendu que M. V. reproche à l’arrêt attaqué (VERSAILLES, 19 septembre 2001) d’avoir déclaré la cour d’appel compétente pour statuer sur le recours formé contre la délibération du jury, alors, selon le moyen, qu’en retenant sa compétence pour statuer sur une décision administrative, la cour d’appel a violé les article 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor An II, ensemble le principe constitutionnel de séparation des autorités administrative et judiciaire ;

    Mais attendu, d’une part, que selon l’article 12 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1990, la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat comprend notamment un examen d’accès à un centre régional de formation et, d’autre part, qu’aux termes de l’article 14 de la même loi, les recours à l’encontre des décisions concernant la formation professionnelle sont soumis à la cour d’appel compétente ; qu’à bon droit, l’arrêt attaqué retient qu’il résulte de l’application combinée de ces dispositions que le contentieux des délibérations du jury d’examen d’accès au centre de formation relève de la compétence de la cour d’appel ; que le moyen n’est pas fondé ».


    La Cour d’appel est bien compétente, au regard de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1971, pour connaître des recours exercés contre les décisions des jurys d’examen d’accès au CRFPA, qui doivent être considérés comme des décisions relatives à la formation professionnelle des avocats.

    Les universités ont cru devoir contester la compétence des cours d’appel, au profit des tribunaux administratifs.

    Au soutien de leurs exceptions d’incompétence, les universités font valoir que la modification rédactionnelle opérée par la Loi du 11 février 2004 devrait conduire à une distinction entre d’une part l’examen d’accès aux centre de formation professionnelle, et la formation professionnelle proprement dite, dispensée par les centres de formation.

    Dès lors, l’article 14 de la même loi ne pourrait être appliquée qu’aux décisions des centres de formation professionnelle, les décisions prises à l’occasion de l’examen d’accès relevant de la juridiction administrative.


    Cette exception d’incompétence est mal fondée, puisque :


    - le législateur de 2004 n’a pas souhaité exclure l’examen d’accès du champ de la formation professionnelle, et encore moins soustraire la connaissance des recours à la connaissance de l’ordre judiciaire,

    - bien au contraire, les textes législatifs et réglementaires organisant l’examen d’accès l’insèrent expressément dans le cadre de la formation professionnelle des avocats,

    - la nature particulière de cet examen d’accès, ainsi que les modalités de son organisation, plaide également en la faveur de la compétence exclusive de la cour d’appel.


    La lecture des travaux parlementaires conduit à considérer que le législateur n’a pas souhaité modifier la nature de l’examen d’accès aux centres de formation, et encore moins soustraire à l’ordre judiciaire la connaissance des recours formés par les candidats ajournés.

    En effet, il apparaît à la lecture du rapport du Sénateur Jean-René LECERF que le législateur a entendu maintenir le système antérieur, en ce qui concerne l’examen d’accès, nonobstant les modifications rédactionnelles de l’article 12 :

    «Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 12 de la loi du 31 décembre 1971 maintient :

    - les dérogations actuelles à l'obligation de formation dont peuvent bénéficier les ressortissants communautaires et étrangers et les personnes justifiant de certains titres ou ayant exercé certaines activités ;

    - la condition de réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation des avocats préalable à la période de formation. »


    Le terme « maintenir » indique suffisamment que les dispositions du projet de loi relatives à l’examen d’accès n’entendaient pas modifier la substance de l’ancienne rédaction, et changer radicalement la nature de l’examen d’accès.

    D’autre part, il sera également observé que les dispositions réglementaires prises en application de la loi du 11 février 2004 maintiennent l’examen d’accès dans le champ de la formation professionnelle des avocats.

    En effet, il n’est pas contestable que :


    - les dispositions relatives à l’organisation de l’examen d’accès sont prévues par les articles 51 à 55 du décret du 27 novembre 1991, dans le chapitre intitulé « La formation professionnelle »,

    - les modifications apportées à ces articles, en application de la loi du 11 février 2004, ont été effectués par un décret n°2004-1386 du 21 décembre 2004 « relatif à la formation professionnelle des avocats ».


    Les décisions des jurys des examens d’accès sont des décisions concernant la formation professionnelle des avocats, et il convient de faire application de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1971, qui attribue une compétence exclusive à l’ordre judiciaire.

    Cette solution a d’ailleurs été retenue par la Cour administrative d’appel, qui a statué sur la nouvelle rédaction de l’article 12 issue de la loi du 11 février 2004 (CAA PARIS, 12 juillet 2005, n°°5PA02264) :

    « Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction en vigueur avant le 12 février 2004 : « la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat comprend : 1° un examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle » ; et qu’aux termes du même article 12, dans sa rédaction issue de l’article 15 de la loi n°2004-130 du 11 février 2004 : « la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat est subordonnée à la réussite à un examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle… » ; que la modification ainsi apportée audit article 12 par la loi du 11 février 2004 n’a pas eu pour effet de faire perdre aux décisions des jurys d’examen d’entrée dans les centres de formation professionnelle des avocats le caractère de décisions concernant la formation professionnelle au sens de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1971 qui dispose : « les recours à l’encontre des décisions concernant la formation professionnelle sont soumis à la cour d’appel compétente ».

    Cet examen n’est pas un simple examen universitaire, dans la mesure il comporte une finalité professionnelle, permettant l’accès du candidat à une profession réglementée.

    Suivant les dispositions de l’article 51 du décret du 27 novembre 1991, le programme et les modalités de l’examen d’accès sont fixés par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargés des universités, après avis du Conseil National des barreaux.

    L’intervention de la Chancellerie et du Conseil National des barreaux marquent suffisamment le caractère judiciaire de cet examen, pour lequel l’université est obligée de partager ses prérogatives habituelles.

    D’autre part, la composition même du jury d’examen confère à l’examen d’accès un caractère original et exorbitant du droit commun. En effet, selon les dispositions de l’article 53 du décret du 27 novembre 1991, le jury est composé :

    - de deux professeurs ou maîtres de conférence des universités,

    - un magistrat de l’ordre judiciaire,

    - trois avocats désignés par le bâtonnier de l’ordre.

    Cette composition est exactement celle du jury des centres de formation professionnelle, habilité à délivrer le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (article 68 du décret du 27 novembre 1991).

    Et il n’est pas contestable que la cour d’appel est compétente pour statuer sur les recours exercés contre les décisions du jury de l’article 68.

    Il y aurait une incohérence certaine à soumettre les décisions de jurys composés de la même manière, tantôt à l’ordre administratif, tantôt à l’ordre judiciaire, selon que ces jurys relèvent soit de l’article 53 soit de l’article 68 du même décret.

18 juillet 2006

Réplique de Me Fernand Labori dans l'affaire Zola

En ces temps de commémoration, il m’est apparu agréable de reproduire cette réplique de Me Fernand Labori, qui assurait la défense d’Emile Zola devant la Cour d’assises en février 1898. Ce passage est extrait de l’Anthologie des avocats français contemporains, de Fernand Payen (Grasset, 1914).

L’avocat général répondant à la plaidoirie de Me Labori avait terminé par ces mots :

« …les insulteurs sont obligés de se cacher ici en criant : Vive l’armée ! (Bravos et longs applaudissements. Cris de : Vive l’armée !)

La France est sûre de vous ! Messieurs les jurés ; prenez pour guide l’âme de la patrie (Applaudissements prolongés). »

Me Labori se dressa à la barre :

Messieurs les Jurés,

Excusez ma voix, car je suis au bout de mes forces.

Il fallait ce dernier incident pour bien montrer entre qui, ici, la question se pose : entre ceux qui, comme le disait Clemenceau, représentent la justice, la liberté et le droit, et ceux qui ne veulent pas que, comme dans tous les procès, la défense ait, à cette heure, la dernière parole.

M. l’Avocat général s’est levé, non pas pour faire une réplique, mais pour me traiter personnellement d’insulteur de l’armée (bruit), car c’est moi qui parle ici depuis deux jours.

Je n’étais pas habitué à recevoir, dans une enceinte de justice, des coups personnels de cette nature ; je ne suis pas de ceux qui se cachent derrière personne, et je ne suis pas de ceux qui accepteront que, même du banc de l’accusation, une parole d’insinuation ou d’attaque monte vers moi…malgré la hauteur du siège dont elle part ! (Applaudissements.)

M. l’Avocat général, trompé, je suppose, et entraîné par les exemples d’autorité que quelques-uns sont venus apporter ici, s’est imaginé qu’il avait le droit de donner des leçons ; je le lui refuse ! Il ne s’est levé que pour lancer quelques paroles éclatantes. Je sais bien, - puisqu’elles étaient courtes et qu’elles ne pouvaient pas avoir d’effet par elles-mêmes, - pourquoi elles étaient préparées : elles étaient préparées pour une manifestation qu’on avait le droit d’attendre d’une salle qui est composée, et composée contre nous.

Cela dit, Messieurs les Jurés, et cela suffit pour répondre, j’ai cependant encore un mot à ajouter… - je vous demande pardon du ton dont je dis tout cela, c’est le seul moyen que j’ai pour vous parler encore ; - je veux ajouter un mot pour préciser la question que vous avez à résoudre et montrer à M. l’Avocat général qu’il est deux façons d’entendre le droit : la sienne et la nôtre.

Il n’y a pas d’autre question qui vous soit posée que celle-ci : M. Zola est-il coupable ?

Messieurs les Jurés, que ces clameurs de ceux qui ne comprennent pas le respect qui est dû à la justice vous dictent la fermeté qui sera la vôtre, et votre devoir !

Vous n’avez qu’une chose à dire, uniquement, en arbitres souverains que vous êtes, placés aujourd’hui plus que tous, plus haut que l’armée, plus haut que la justice elle-même, je veux dire plus haut que la justice ordinaire, parce que vous êtes la justice du peuple qui va, dans un instant là-haut, rendre un jugement historique ! Vous êtes souverains ! Dites, si vous en avez le courage, que cet homme est coupable ! Dites, si vous en avez le courage, que cet homme est coupable d’avoir lutté contre toutes les passions, contre toutes les haines, contre toutes les colères, pour la justice, pour le droit et pour la liberté ! »

La Cour d’assises condamna Emile Zola à un an de prison, et 3 000 francs d’amende.

Clemenceau, évoquant le souvenir du verdict, dit plus tard à la tribune du Sénat :

« J’étais là, quand il a été condamné – nous étions douze – et, je l’avoue, je ne m’attendais pas à un tel déploiement de haine. Si Zola avait été acquitté ce jour-là, pas un de nous ne serait sorti vivant… »

Feu le contrôle juridictionnel des gardes à vues


Les juridictions répressives ont définitivement renoncé à exercer le rôle de gardien des libertés publiques.

Les deux procédures de contrôles, prévues par le code de procédure pénale, consistant pour l’une dans l’information donnée au procureur sur le placement d’une personne en garde à vue, et pour l’autre dans l’entretien du gardé à vue avec un avocat, sont devenues lettres mortes, et sont désormais dépourvues de toute effectivité.

Il est en effet paradoxal de constater qu’à l’heure du rapport de la commission parlementaire d’Outreau, qui propose une nouvelle réforme du régime de la garde à vue (cf. pages 308 et suivantes du rapport), les juridictions correctionnelles, avec la bénédiction de la Chambre criminelle, ont abdiqué définitivement leur pouvoir de contrôle des gardes à vues, et renoncé à prononcer les nullités qui devraient logiquement, et naturellement, dans un système démocratique soucieux du respect des libertés publiques, sanctionner les violations des garanties posées par le législateur.

Que penser en effet du projet d’enregistrement des auditions du gardé à vue, alors que l’avis à magistrat est devenue purement formel ?

Que penser d’autre part du rôle que l’on entend donner à la défense, en lui permettant d’accéder au dossier après les premières 24 heures de la mesure, alors que les observations écrites, prévues par l’article 63-4 du code de procédure pénale, finissent actuellement dans les corbeilles de nos chers commissariats ?

Venons-en au délicat problème de l’avis à magistrat

Selon les dispositions de l’article 63 (enquête de flagrance, de l’article 77 (enquête préliminaire) et de l’article 154 (exécution d’une commission rogatoire délivré par un juge d’instruction), l’officier de police judiciaire doit informer, dès le début de la garde à vue, le procureur de la république de la mesure, ou le magistrat instructeur.

Cette garantie permet au passage à notre système de garde à vue d’être conforme à la convention européenne des droits de l’homme, dans la mesure où un magistrat de l’ordre judiciaire est appelé à « contrôler cette mesure », et que le procureur a cette qualité.

Cette garantie est purement formelle, et l’on peut se demander pourquoi certains officiers de police judiciaire s’obstinent encore à informer « réellement » le procureur, ou le magistrat, alors que la présence d’un simple procès-verbal dans la procédure suffit à valider la procédure.

Expliquons-nous.

L’avis à parquet peut être fait par n’importe quel moyen : en pratique, l’information se fait en général par télécopie à l’attention du substitut de permanence.


La circulaire d’application de la Loi du 15 juin 2000 prévoyait d’ailleurs un luxe surprenant de précisions pour l’avis à parquet (circulaire du 4 décembre 2000) :

« en pratique, les enquêteurs devront mentionner dans leur procès-verbal que le procureur a été informé du placement en garde à vue, en précisant à quelle heure cette information a été effectuée, ainsi que l’identité du magistrat du parquet qui en a été destinataire ».

Cet excès de zèle n’est plus nécessaire : en effet, il importe peu que le procureur ou ses services aient été réellement informés de la garde à vue, dès lors que figure au dossier un procès-verbal d’avis à magistrat, quant bien même ce procès-verbal ne correspondrait à aucune réalité.

Cette lecture policière du code de procédure pénale a été confirmée par certaines juridictions du fond.

Dans un arrêt du 1er décembre 2004, la 3ème Chambre des appels correctionnels de TOULOUSE (jurisdata 2004-273134) a en effet jugé que :

« L’article 63 du code de procédure pénale fait obligation à l’officier de police judiciaire d’informer le procureur de la république dès le début de la garde à vue, mais ne précise pas la forme sous laquelle doit être transmise cette information. La circulaire d’application prévoit qu’il peut s’agir d’un appel téléphonique, d’un fax. Aucune disposition légale ou conventionnelle ne précise sous quelle forme il doit être justifié dans la procédure de l’accomplissement de cette formalité ; dès lors, le procès-verbal de police qui consigne la date et le mode d’information du procureur de la république sous à en justifier.

En l’espèce, la télécopie dont le Tribunal déclare avoir pris connaissance en cours de délibéré n’avait pas été transmise aux parties ; n’étant pas soumise au débat contradictoire, elle ne pouvait en conséquence servir de base à la décision sans une réouverture des débats. Au surplus, cette pièce n’a pas été trouvée dans le dossier soumis à la Cour.

En revanche, le procès-verbal d’enquête qui vaut preuve suffisante des formalités relatées, mentionne que le Procureur de la République a été informé 4 heure 55 de la garde à vue de X, qui a débuté à 4 heures 15. Le délai écoulé de 40 minutes est conforme aux dispositions de l’article 63 du code de procédure pénale, compte tenu du temps nécessaire à l’interpellation et au trajet jusqu’au commissariat.

Il y a lieu en conséquence par substitution de motifs, de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité ».

Dans cette espèce, il convient de relever que le procès-verbal précisait au moins le mode d’information utilisé par les policiers pour informer le parquet (en l’espèce, une télécopie). Le Tribunal de grande instance de PARIS a récemment rejeté une exception de nullité, alors que le procès-verbal ne comportait aucune indication du mode d’information, pas plus que le moindre renseignement sur le substitut informé.

Pour une bonne compréhension de l’arrêt de la Cour d’appel de TOULOUSE, il faut indiquer que les substituts présents à l’audience, lorsqu’une nullité de la garde à vue est soulevée, pour défaut d’information au procureur, sollicitent fréquemment une suspension de séance, pour aller courir chercher dans les archives du parquet la télécopie envoyée par les policiers, en espérant d’une part pouvoir la retrouver, et la produire à l’audience : dans l’espèce soumise à la Cour de TOULOUSE, le parquet a communiqué la télécopie au tribunal pendant son délibéré, sans la soumettre au débat contradictoire : cette pièce a donc été légitimement écartée des débats par la Cour.

Dans un arrêt encore plus récent, en date du 16 mars 2006, la Cour d’appel de PAU a parachevé le caractère purement formaliste de l’avis à parquet (jurisdata 2006-299195) :

« Par conclusions liminaires, le prévenu fait plaider la nullité des poursuites aux motifs d’une irrégularité constatée lors de son placement en garde à vue : la mention de l’avis donné au procureur de la République serait insuffisante au regard de la loi et de la jurisprudence, puisqu’il est seulement précisé dans le PV n°0000/2004 pièce n°23 de la Brigade de Gendarmerie de Proximité de Y « Disons avoir informé le lundi 20 décembre 2004 à 9 heures 40, Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de DAX, de la présente mise en examen », sans préciser le nom du magistrat ainsi averti, et ce alors que la circulaire du 4 décembre 2000 énonce à propos de l’information immédiate de l’autorité judiciaire édictée par la loi du 15 juin 2000 que « en pratique, les enquêteurs devront mentionner dans leur procès-verbal que le procureur a été informé du placement en garde à vue, en précisant à quelle heure cette information a été effectuée, ainsi que l’identité du magistrat du parquet qui en a été destinataire ».

Exigence issue de la volonté du législateur d’encadrer expressément le placement et le déroulement de la mesure de contrainte que constitue la garde à vue, conformément aux dispositions de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et préliminaire du code de procédure pénale.

Faute par le PV litigieux de préciser lequel des magistrats du parquet de DAX a ainsi été informé de la mesure de garde à vue de Roger Y, cette mesure et ce PV, mais encore les actes de poursuites subséquents, sont taxés de nullité.

La Cour constate cependant, que le texte de l’article 63 du code de procédure pénale ne stipule nullement la précision de l’identité ni de la fonction du magistrat du parquet informé de la garde à vue ; que la circulaire invoquée, qui n’a certainement pas force de loi, ne saurait ajouter au texte une exigence qui n’y figure pas, même si les termes de cette circulaire laissent à penser qu’en ce qui concerne l’identité du magistrat, l’obligation est la même que pour l’avis lui-même, et l’heure à laquelle il est donnée.

La mention de ce que cet avis a été donné au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de DAX, suffit en effet à satisfaire aux dispositions de la loi et textes de principe allégués par l’appelant.

L’exception, dont l’examen a été joint au fond, sera donc rejetée. »


Dans ces conditions, la défense est dans l’incapacité de s’assurer que le parquet a bien été informé de la garde à vue, c'est-à-dire de vérifier que le contrôle prévu par le code de procédure pénale a bien été exercé.

En effet, suffirait à justifier de l’accomplissement un avis à parquet rédigé de la manière suivante :

« Disons avoir informé Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de X de la mesure de garde à vue prise à l’encontre du nommé Y, le dix-huit juillet deux mille six, à trois heures, pour des faits de vol aggravé. Dont acte. »

Qui, au sein du parquet, a été informé de la garde à vue ? On n’en sait rien.

Par quel moyen ? On n’en sait rien.

Le parquet a-t-il réellement été informé ? On s’en fiche.

Exit l’information donnée au procureur de la république.

Qu’en est-il maintenant de la seconde garantie, consistant dans l’entretien du gardé à vue avec l’avocat ?

L’article 63-4 prévoit en effet que le gardé à vue peut demander à s’entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue : à l’issue de cet entretien, l’avocat peut « présenter, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure ».

Quel était, dans l’esprit du législateur, l’intérêt de ses fameuses observations écrites ? Certainement pas de faire un compte rendu de l’entretien de l’avocat avec le gardé à vue, ou de faire l’éloge de l’hospitalité policière.

Ces observations écrites doivent être déposées si l’avocat a pris connaissance au cours de cet entretien de faits intervenus pendant la garde à vue, susceptible de porter atteinte aux droits du gardé à vue (violences policières, recours à un avocat commis d’office alors que le gardé à vue avait demandé un entretien avec un avocat choisi…).

Là encore, nous avons à faire à une garantie purement formelle, sans aucune effectivité.

La jurisprudence du Tribunal de grande instance de PARIS en la matière permet de se faire une idée du sort réservé à ces observations écrites.

Dès lors que le procès-verbal d’entretien du gardé à vue avec un avocat fait bien état du dépôt d’observations écrites, et que les policiers certifient que ses observations écrites ne comportent aucune critique sur le déroulement de la garde à vue, le conseil du prévenu n’est pas recevable à invoquer l’absence desdites observations écrites dans le dossier de la procédure, pour arguer de la nullité de la garde à vue.

Les policiers ont ainsi la possibilité d’apprécier le contenu des observations écrites, et de se dispenser de les joindre à la procédure, s’ils estiment qu’elles ne présentent aucun intérêt.



Mieux encore : les policiers ont également la possibilité de procéder au classement vertical (ie la corbeille) des observations déposées par l’avocat, en s’abstenant de rédiger un procès-verbal d’entretien ave l’avocat, qui ne saurait être une cause de nullité.

Le Conseil du prévenu à l’audience, qui n’est pas toujours le même que celui qui est intervenu en garde à vue n’a dès lors aucune moyen de vérifier si des observations écrites ont été déposées par son confrère.